Vols sauvages |
Une des clefs du libre est d’assumer avec patience les conditions météorologiques et le choix de notre appareillage. Sinon les conséquences risquent d’être amères, fatales ou pire. Jouer avec la sauvagerie conduit universellement à une notion de jeu brutalement dénaturée, loin de la l’inspirante légèreté. La responsabilité, en ce pays, est une notion si omniprésente qu’elle est rendue tacite. Mais en situation inusitée, on dirait parfois qu’il faut tout réexpliquer. Un individu est responsable quand il est solvable et ce avant même d’entreprendre une action. Cela implique qu’il peut assumer les conséquences de ses actes et, à la rigueur, réparer tous les éventuels dégâts. S’il n’en a pas les moyens, sa responsabilité est de s’abstenir, à moins, par exemple, qu’il s’organise avec une assurance collective. Par le biais d’associations comme l’AQVL et l’ACVL, il est possible de supporter trois millions de dollars pour couvrir un regrettable dommage à autrui. Mais cela est nettement insuffisant dans l’éventualité d’un accident avec un avion de ligne crashé par errance.
Donc, un pilote responsable n’a pas le droit moralement, légalement et intelligemment d’aller jouer sauvagement où il est irresponsable, consciemment ou pas. Si, en tant que FLaQuistes, nous prônons la liberté de notre merveilleuse discipline, cela ne comprend pas la sauvagerie irresponsable. Plongeant mortellement comme passager d’un avion au moteur étouffé par une voile de Dacron, je ne réfléchirais pas longtemps pour conclure que « c’est con le vol libre ».
J’incite donc tous les pilotes de libre à vérifier sur une carte aéronautique de leur région de vol, les zones interdites, à les respecter scrupuleusement, et aussi à les faire respecter par leurs compagnons de vol. Ceci devrait être systématiquement intégré à l’enseignement avant de larguer les poussins. Alors que nos sites de vol de montagne sont plutôt à l’écart des zones interdites, l’avènement du treuil favorise défavorablement la profanation. Il en va de l’avenir de notre petite communauté tolérée par le grand monopole de l’air ambiant. Cette tyrannie n’est ni frivole, ni arbitraire. Elle est rigoureuse et n’hésitera pas à éliminer notre frêle liberté si des sauvages, captifs de leurs désirs incontrôlés, la menacent stupidement.
Si des allusions comme cette réflexion-ci ou des contacts personnels peuvent suffire à éliminer les vols sauvages, tant mieux. Cela économiserait beaucoup d’énergie à nos associations qui devraient mettre leurs culottes pour autoréglementer la discipline du vol libre. C’est une tâche paradoxalement pénible à entrevoir. Tous en souffriraient inutilement alors que le problème peut être solutionné individuellement. Si peu libre qu’on soit, c’est d’abord à l’intérieur de soi qu’on doit la développer, cette chère liberté. Comme disait Rascar, « Pilote, pilotes-toi, toi-même ».
DUCk KCUd