Conte FLaQuiste Vols Captifs par DucK KcuD

9. Nuageux défi

        Voilà Zond qui arrive de bon matin, habillé d'une armure moyenâgeuse. Il marche lentement, suivi d’une armada de bestioles volantes qui progressent à ras le sol avec un cillement strident. Quand il arrive près du balcon de la maison d’Ïkô la diva, les drones se posent et font silence. Un hélicoptère est posé près de la maison. Elvis y a dormi après l’atterrissage de nuit. Rascar et Ïkô sortent sur le balcon.

        Zond enlève son casque et s’adresse à eux : « Je viens de la part de la communauté de Drev qui vit une crise sans précédent depuis l’intrusion de Rascar Capac sur son territoire. Nous espérons au prochain angelus pouvoir solutionner l’impasse. C’est pourquoi nous avons contacté Rascar pour qu’il revienne ici. »

        Et il rajoute en se prosternant : « Je viens en mon nom personnel aussi. Je veux, Ô Ïkô, te déclarer mon amour et te demander pardon pour la supercherie de faire accroire à Rascar que tu étais morte. Saches que la souffrance que mon mensonge t’a causée m’a profondément ému. Je n’en pouvais plus. J’ai cru agir pour la bonne cause et me suis amendé pour le bien de notre communauté. »

        Puis, fixant Rascar : « Et toi Rascar, je veux te défier en duel, au péril de ma vie, pour la main de mon amour Ïkô. » Ïkô est estomaquée. Elle reste muette. Rascar, lui, demeure calme, descend les marches, va à la rencontre de Zond et lui dit : « Je ne suis pas surpris de tes paroles sauf sur le fait qu’un Sécure est supposé respecter la vie. Je ne crois pas que tu veuilles me tuer. Et moi non plus, je ne tiens pas à te tuer par amour pour Ïkô. Je relève ton défi devant Ïkô afin qu’elle juge ici clairement qui elle aime et choisit. Comme c’est moi qui ai le choix des armes, je te propose cette épreuve.»

        Rascar pointe du doigt le ciel : « Tu vois ce nuage là-bas ? » - « Oui, le cumulus de l’autre côté du lac. » répond-il; il est très évident puisque c’est le seul nuage dans cette direction.

        Rascar ajoute : « Alors celui qui réussit à le déplacer de son côté par son pouvoir gagnera. » Zond ne peut qu’accepter ce défi qu’il juge de toute façon impossible pour l’un comme pour l’autre. Personne n’a jamais tasser un nuage. Il lui dit : « Comment veux-tu que cela se fasse ? » Rascar répond : « Nous nous assoyons dans l’herbe et nous méditons. Où veux-tu t’asseoir ? » Zond s’assoit sur place. C’est tel que prévu par Rascar qui savait qu’il s’assoirait plus près d’Ïkô.

        Rascar s’installe de l’autre côté et lui dit : « Si le nuage tourne de mon côté, Ïkô est à moi. Si le nuage tourne de ton côté, alors Ïkô est à toi. S’il ne fait ni l’un ni l’autre, tu choisiras une autre épreuve. Es-tu d’accord ? » - « Oui, dit Zond »

        « Alors, commences à méditer », dit Rascar en se fermant les yeux. Au bout de cinq minutes de contre-méditation, Rascar ouvre les yeux. Rien ne s’est passé de probant. Le cumulus s’est approché un peu du lac mais il est toujours entre les deux protagonistes. Rascar se retourne vers Zond qui semble concentré ou en prière. Il l’interpelle : « Hé Zond, c’est à mon tour de dévier le nuage. » Rascar lève les mains et les joint au-dessus de sa tête en marmonnant une lyrade. Voilà que, oui, le nuage se déplace un peu de son côté. Après cinq minutes de ce sortilège, le nuage est complètement passé de son côté. Rascar se tait, fier en son for intérieur de l’observation du Vent qu’il a si bien développée à la suite de l’enseignement de son frère. C’est une illusion bien orchestrée pour qui ne connaît pas bien le ciel. Il se retourne vers Ïkô qui a tout vu et qui se met à chanter : « Rascar, tu es le plus merveilleux… »

        Zond constate que Rascar a gagné le défi. Ce n’est pas tant sa défaite qui le chamboule que la puissance de son adversaire. Le respect veut faire place à sa surprise. C’est que, dans sa tête, il revit son enfance avec son père magicien qui lui jouait des tours de ce calibre. Il avoue tout de suite qu’il s’incline et qu’il admire la prouesse de son adversaire. Il est interloqué et se recule, comme médusé.

        Elvis l’a à l’œil car il a tout suivi du cockpit de l’hélico. Il a anticipé la suite et est de collusion avec Rascar. C’est bien ce qu’il pensait. Zond vient d’activer ses robots volants qui s’élèvent d’un coup dans les airs et qui s’avancent comme une gigantesque vague prête à déferler sur eux. Alors Rascar lève les bras en l’air et crie en craquetant : « Ô temps ! Suspends ton vol ! » La déferlante de drones s’immobilise aussitôt, suspendue dans le temps, comme une photo instantanée. Cela ne se voit pas mais c’est Elvis qui a pris contrôle de l’armada téléguidé depuis l’hélico.

        Là, Zond craque de stupéfaction devant le pouvoir de celui qui a résisté à l’initiation du silo d’apesanteur. Il se perd en excuses, en promesse d’offrir sa vie pour Rascar. « Comment croire que ce ne sont pas des paroles fourbes encore ? » questionne Rascar. Zond se dit prêt à abandonner Drev et à partir avec eux. Il promet de collaborer car il ne peut pas rester si Ïkô s’en va.

        Et Ïkô elle, veut-elle s’en aller ? Est-elle libre d’être libre, comme dit Elvis ? Elle veut bien suivre son amoureux puisque Rascar ne veut pas du tout rester, vu l’interdiction de vol libre dans cette vallée. Or, elle se sent incapable de voyager par la voie des airs. Une solution serait de l’hypnotiser pour lui faire faire le voyage. Mais après, elle serait fort handicapée, ne pouvant s’adapter à la vie normale. Elle ressentirait un vertige et une nausée profonde à la moindre vue d’une personne qui court ou d’un véhicule qui passe. Il faudrait la « désilotiser », c’est-à-dire la déprogrammer de l’expérience du silo d'apesanteur. On devrait avoir recours aux données de son initiation, voir même repasser au silo pour cela.

        À midi, le conseil des sages est fort impressionné qu’Elvis participe à la méditation de l’angelus grâce à sa technique inca qui a justement inspiré cette méthode de méditation télépathique. La communauté est d’accord pour laisser partir Ïkô. Zond finalement accepte cette issue et supplie que lui aussi soit « désilotisé » pour qu’il puisse les accompagner. Sans vouloir prendre cela personnel, Rascar chigne sur ce point car la fourberie de Zond l’a passablement écœuré du personnage. Son sage frère lui explique que pour avoir la paix totale, il faut trouver moyen de construire l’amitié avec son ennemi. Laisser traîner des épaves est la meilleure façon de provoquer une collision. Il y a plus à craindre de laisser Zond ici.

        En quelques jours, Ïkô et Zond sont déprogrammés dans le silo d’apesanteur et ils quittent enfin la vallée des Sécures avec les frères Capac. L’hélicoptère, conduit par Elvis, survole les lieux sans encombre pour tous ses passagers. Sa trajectoire décrit une dernière révolution au-dessus de la vallée bucolique et poursuit le voyage par les gorges Capac.

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* Réflexions de DucK KcuD


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